Gouverneurs de la rosée et Rencontre avec Karine Pédurand

Vendredi 28 novembre, dans le cadre du Festival Ecritures des Amériques, les élèves de spécialité LLCA et les étudiants de BTS COM1 se sont rendus au Lycée des Droits de l’Homme de Petit-Bourg pour assister à la représentation théâtralisée du célèbre roman de Jacques Roumain, Gouverneurs de la Rosée, mise en scène par la Compagnie Barefoot d’Eric Bouvron.

Les élèves de LLCA et leur enseignante Mme Roch ont ensuite eu la chance, vendredi 5 décembre, de pouvoir recevoir au lycée la comédienne Karine Pédurand pour échanger autour d’un de ses spectacles précédents intitulé Médée-Kali. Adapté en 2016 de l’œuvre de Laurent Gaudé, Médée-Kali opère un rapprochement entre deux figures mythiques, Médée qui nous vient de la Grèce antique et Kali qui est empruntée au panthéon hindou.


L’étudiante CPGE AL 2, Clara Mirval, s’est quant à elle rendue sur son temps libre, samedi 29 novembre, à la soirée de clôture du Festival Ecritures des Amériques à la Résidence Départementale du Gosier. Nous vous invitons à lire son article ci-dessous :

L’objectif était de remettre leurs prix aux lauréats du concours, qui ont toutes les deux reçu leurs prix sous un tonnerre d’applaudissements du public. 

D’abord Rita Carelli, grande gagnante du concours pour son livre Terre noire, déjà récompensé du Prix São Paulo de littérature pour un premier roman en 2021, relatant l’histoire de la jeune Ana et de son parcours en tant que jeune étudiante devant naviguer à travers le deuil et la situation terrible à laquelle ses origines l’ont soumise. Puis ensuite Katia Dansoko Touré pour son roman La solitude des notes bleues pour lequel un jury du public, en partenariat avec l’aéroport, a choisi de distinguer le prix Guadeloupe Maryse Condé après plusieurs heures de débat enflammé. Très touchée, c’est avec beaucoup de modestie qu’elle est montée sur scène pour recevoir la plaque, qu’elle dédie à Maryse Condé elle même qui lui a donné l’envie d’écrire et l’a poussée à continuer personnellement avant son décès. Après avoir remercié le public, les gagnantes se sont éclipsées pour laisser place à la troupe Barefoot dont la performance devait terminer la soirée en beauté. J’avais déjà eu l’occasion d’assister à deux de leurs représentations plus tôt dans l’année, celles de Moi Tituba, Sorcière mais rien ne m’avait préparée à l’expérience que je m’apprêtais à vivre ce soir là. 

Je n’avais jamais lu le chef-d’œuvre de Jacques Roumain, Gouverneurs de la rosée, et je ne le regrette pas. Le découvrir à travers la performance majestueuse des comédiens Karine Pédurand et Francis Bolela soutenus par le compositeur Romain Trouillet qui agrémentait savamment le récit de musique et autres bruitages m’a laissée tout simplement sans voix. Rien ne laissait à redire, du jeu des acteurs à la manière dont ils ont retranscrit ce qui était censé être lu à un moment qui se regarde, s’écoute, n’a rien enlevé à mon plaisir, et chaque minute d’applaudissements chaleureux que nous avons fait retentir une fois que la représentation de presque une heure et demie s’est achevée était méritée et plus encore. Le travail du metteur en scène Éric Bouveron se discerne entre les lignes, chaque mot prononcé, chaque muscle tendu, chaque pas effectué l’a été avec plus de puissance et de génie encore que les fois précédentes.

Gouverneurs de la Rosée de Jacques Roumain, mise en scène par la Compagnie Barefoot d’Eric Bouvron, avec Karine Pédurand, Francis Bolela et Romain Trouillet

En somme, je n’ai pu qu’apprécier l’expérience, que ce soit les autrices et leur sagesse, la compagnie Barefoot et leur jeu d’acteurs du tonnerre mais aussi le public, dont la chaleur m’a réchauffé le cœur. Chaque personne, y compris les bénévoles aidant à faire fonctionner le festival, a eu droit à des remerciements chaleureux et son lot d’applaudissements. 

Je ne peux qu’attendre avec la plus grande impatience l’édition 2026 de ce merveilleux Festival d’écriture des Amériques.

Par chance, j’ai pu discuter un peu avec Karine Pédurand lors de sa venue au lycée pour une rencontre avec les élèves ce vendredi 5 décembre dernier. Elle m’a généreusement accordé quelques minutes de son temps. Je lui ai d’abord demandé ce qui avait changé par rapport aux dernières représentations. Elle m’a répondu que « ce n’est rien de très savant, de très intellectuel » en fait c’était l’absence de textes. Les comédiens ont dû apprendre chacune de leurs répliques par cœur. Alors j’ai voulu savoir si cela a été la source d’appréhensions particulières, comment est-ce que cela l’a fait se sentir, elle en a dit que ce n’était pas le cas, qu’elle n’avait « pas spécialement d’appréhensions, mais plutôt des questionnements » en outre, ils n’ont eu qu’un temps de répétition très court, cinq jours au total « d’abord deux jours puis trois avec une semaine d’écart ». De plus « nous devions nous préparer à faire une représentation sans fioritures, sans costumes, décors ou lumières » car la Résidence Départementale du Gosier n’en dispose pas, mais la troupe Barefoot a su en faire une force « Je dois avouer que ça a joué en ma faveur, j’ai une vue très simple du théâtre, et puis je trouve que c’était rassurant d’avoir ça en moins qui nous pesait sur la conscience ». J’aimerais vous laisser sur ces quelques mots que je trouve plein de sagesse mais également d’humilité :

« Je déteste la philosophie antillaise du tchoké, du « I bon kon sa », je suis très chauvine et quand je reviens à la maison j’aime faire du bon travail, proposer quelque chose de bien fait, de cadré, que le public peut apprécier. »


Une terrible battle en option histoire

Jeudi 27 novembre 2025, les étudiant.e.s de khâgne option histoire se sont accordés une petite coupure avant le redoutable DS de samedi. Après quelques exercices pour se chauffer la voix, les optionnaires ont eu pour consigne d’écrire par trois fois un mot de leur choix au tableau, dans une liste où figurait déjà le mot « rat ». Puis, répartis en deux groupes, ils devaient composer un texte utilisant chacun de ces mots en commençant par « J’ai la solution » et en terminant par « l’Italie de communes ». Enfin, chacun des deux groupes est venu dire son texte au tableau avec la plus grande conviction.

Les mots étaient :

Rat, Pierre, incroyable, sapin, saperlipopette, bouteille / stupéfaite, peur, Sainton, parc, rose / regard, amour, ciel, colère, magnifique.

Voici leurs productions :

Texte 1

« J’ai la solution ! A déclaré Sainton. Je me promenais sous les feuillis des sapins, une bouteille rose à la main. En regardant le ciel, une idée m’a illuminé l’esprit, à tel point que j’ai dû m’allonger dans le parc. Puis soudain, j’ai vu une femme, magnifique ! Et saperlipopette, elle cria à la vue d’un rat. Elle reste là, stupéfaite. Alors, je prends mon courage à deux mains et je le poursuis avec une pierre et lui lance dessus. Je reviens vers elle, je vois son regard admiratif, elle court vers moi et me déclare son amour. “J’ai eu si peur !”, me dit-elle. Alors je réponds avec colère : “plus personne ne te fera jamais de mal”. C’est incroyable, j’ai la solution pour que les femmes tombent amoureuse de nous, dans l’Italie des communes. »

Clarisse et Alicia

La bataille de Legnano, tableau de Massimo d’Azeglio (1831), Galerie d’art moderne de Turin

 

Texte 2

« Per la mia ragazza

J’ai la solution au problème de l’amour ! Vous allez voir c’est incroyable !

Alors que j’étais tranquillement sous l’arbre à bouteille, ce grand sapin décoré, mon regard porté sur le ciel, j’ai été illuminé. Saperlipopette ! C’était si évident. Je vais vous raconter.

J’ai organisé pour Rose une sortie spectaculaire dans un parc. Mais malheureusement un rat est passé sous nos yeux et elle a sursauté de peur : « Pierre ! pourquoi m’as-tu emmenée ici ?! ». Elle était en colère. Ô Sainton ! toi si habitué à ce sentiment, aide-moi à trouver la solution. Eureka ! Je lui ai proposé quelque chose, elle fut si stupéfaite qu’elle sauta dans mes bras ; un voyage magnifique dans l’Italie des communes ! »

Emma, Laya, Solor.

Le jury n’ayant pu, pour l’heure, les départager, pourriez-vous l’aider par vos votes : texte 1 ou texte 2 ?


Festival IMAGES #6 : Une journée au lycée

Affiche du festival

Jeudi 20 novembre, l’organisatrice et commissaire d’exposition spécialiste de la Caraïbe, Régine CUZIN, était au lycée pour la 6ème édition du Festival Images, en présence de l’artiste visuelle Louisa BABARI, pour une journée de projections et de rencontres avec les élèves et étudiants.

Cette année, Images nous a permis de découvrir les films de quatre artistes qui mettent en exergue, depuis plusieurs points du globe, les conséquences de l’histoire coloniale et la question migratoire.

Louisa BABARI, d’origine russo-algérienne, propose une lecture performée de la pensée décoloniale de Frantz FANON. L’artiste congolais Sammy BALOJI pose un regard critique sur la colonisation belge et la destruction de la forêt tropicale au Congo, à partir d’images d’archives d’un centre d’études climatiques à Yangambi. Le Guadeloupéen Jimmy ROBERT laisse son empreinte dans la mer Egée à travers une performance accompagnée de la lecture d’un texte puissant, en hommage aux réfugié.es disparu.es d’hier et d’aujourd’hui. L’artiste haïtien Samuel SUFFREN, actuellement en résidence à la Cité internationale des arts à Paris, évoque la non-résidence de jeunes migrants qui, dès la nuit tombée, se réfugient sous leurs tentes le long du bâtiment. (Régine Cuzin)


L’artiste Louisa Babari présente son travail et répond aux questions des étudiants CPGE A/L


Sammy Baloji en visioconférence

La matinée a été consacrée aux étudiants CPGE littéraires de 1ère année, sous la conduite de leur enseignant d’Histoire, M. Gilles DELATRE. Les étudiants ont eu le privilège de pouvoir échanger avec Louisa BABARI mais aussi en visioconférence avec les artistes Sammy BALOJI (RDC République démocratique du Congo / Bruxelles) et Jimmy ROBERT (Guadeloupe / Berlin).

L’après-midi a été consacrée aux élèves de 1ère spécialité Arts plastiques avec les deux groupes encadrés par leur enseignant, M. Christophe GORIN. Les élèves ont pu longuement échanger avec l’artiste Louisa BABARI à propos de son film Corps-à-corps qui traduit la pensée de Frantz FANON dans une performance sonore accentuée par la matérialité des mots / maux de la colonialité.

La venue en Guadeloupe de l’artiste Louisa Babari a été possible grâce au programme des Cordées de la réussite avec le soutien de la Préfecture et dans le cadre de la 14ème édition Wi’anArt portée par l’association du même nom.

Trois ateliers de pratique artistique ont également pu être menés au Lycée de Versailles et au Collège Richard Samuel.

Programme complet du festival Images #6 à découvrir ICI

Louisa BABARI (née à Moscou, vit à Paris) est une artiste française d’origine russe et algérienne qui travaille à l’intersection de la photographie, du cinéma, de l’art sonore, de la théorie critique et de la littérature.
Diplômée de l’Institut d’Études politiques de Paris et de l’Institut national des Langues et Civilisations orientales, sa pratique explore la politique et la poétique de l’image, du son et du discours en tant que formes d’autodétermination, d’appartenance et de dissidence. Sa production artistique active formes et textes liés aux changements esthétiques et sociaux dans les anciens pays socialistes, aux résistances et luttes d’indépendance, à l’exploration de ses archives familiales, aux questions liées au corps, à l’architecture, à la littérature et à la traduction. Son travail a été exposé et diffusé aux biennales de Dakar et Jaou à Tunis, au Centre Georges Pompidou, à la Fondation Cartier (Paris), au Mucem (Marseille), à Bozar (Bruxelles), à Londres, Berlin, Alger et New York. En 2023, elle est lauréate du Prix AWARE pour les artistes femmes.

 

Depuis 2005, Sammy Baloji explore la mémoire et l’histoire de la République démocratique du Congo. Son travail est une recherche continue sur le patrimoine culturel, architectural et industriel de la région du Katanga, ainsi qu’une remise en question de l’impact de la colonisation belge. Son utilisation des archives photographiques lui permet de manipuler le temps et l’espace, comparant ainsi les anciens récits coloniaux aux impérialismes économiques contemporains. Ses œuvres vidéo, installations et séries photographiques soulignent la manière dont les identités sont construites, transformées, perverties et réinventées.
Son regard critique sur les sociétés contemporaines constitue un avertissement sur la façon dont les clichés culturels persistent à façonner des mémoires collectives et permettent ainsi aux jeux de pouvoir sociaux et politiques de continuer à dicter les comportements humains. Comme il le déclarait dans un entretien récent :
« Je ne suis pas intéressé par le colonialisme comme nostalgie, ou par le fait qu’il s’agisse d’une chose du passé, mais par la perpétuation de ce système ».
Sammy Baloji (né en 1978 à Lubumbashi, RD Congo) vit et travaille entre Lubumbashi et Bruxelles. Chevalier des Arts et des Lettres, il a reçu de nombreuses bourses, récompenses et distinctions, notamment lors des Rencontres africaines de photographie de Bamako et de la Biennale de Dakar et a été lauréat du Rolex Mentor and Protégé Arts Initiative.
En 2019-2020, il était pensionnaire de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis. Sammy Baloji est co-fondateur en 2008 des Rencontres Picha/Biennale de Lubumbashi.
Il enseigne aujourd’hui au Fresnoy – Studio national des arts contemporains.
Parmi ses expositions monographiques récentes : EMST Athènes (2025), Goldsmith CCA Londres (2024), Palazzo Pitti, Florence (2022), Beaux-Arts de Paris (2021), Lund Konsthall & Aarhus Kunsthal (2020), Le Point du Jour, Cherbourg (2019), Framer Framed, Amsterdam (2018), Museumcultuur Strombeek (2018), The Power Plant, Toronto & WIELS, Bruxelles (2016-2017) et Mu.ZEE Kunstmuseum aan zee, Ostende (2014).
En 2023, il a participé aux Biennales de São Paulo, de Sharjah, et à la Biennale d’architecture de Venise ; à la Biennale de Sydney (2020), à la Documenta 14 (Kassel/Athènes, 2017) ; en 2015, aux Biennales de Lyon et de Venise et au Festival Photoquai, Musée du Quai Branly. En 2023, il occupe la 11ème place dans le Power 100, le classement des « personnalités les plus influentes du monde de l’art » de la revue britannique ArtReview. Sa première exposition à la galerie Imane Farès, à Paris, s’est tenue en 2016 et fait désormais partie des collections de la Tate à Londres.

 

Jimmy Robert est un artiste multidisciplinaire qui travaille dans les domaines de la performance, de la photographie, du cinéma et du collage. Estompant souvent les frontières entre ces différents médias, son travail explore la manière dont le corps peut être personnifié à travers les matériaux. Ses performances sont minutieusement chorégraphiées dans des espaces d’exposition ou en dialogue avec l’architecture existante, s’inspirant de performances historiques et de récits complexes qui font référence à l’histoire de l’art, au cinéma et à la littérature.
Né en Guadeloupe en 1975, Robert réside actuellement entre Paris et Berlin. Il a fait l’objet d’une rétrospective à mi-carrière au Nottingham Contemporary en 2020, qui fut présentée dans d’autres institutions internationales en 2021. Parmi ses expositions personnelles récentes : Moderna Museet, Malmö (2023), Kunsthalle Baden-Baden (2022) et The Hunterian, Glasgow (2021). Sa dernière œuvre, Joie Noire, a été présentée pour la première fois en 2019 au KW Institute of Contemporary Art, Berlin, puis rejouée en 2023 au Centre national de la danse, Pantin. Une monographie complète sur l’œuvre de Robert a été publiée en 2024.

 

Samuel Suffren est un artiste visuel, réalisateur et producteur haïtien. Ses objets filmiques s’inscrivent dans une démarche de cinéma poème où récit et photographie se rencontrent librement créant des formes narratives ouvertes, sensibles. Sa trilogie de courts-métrages, inspirée de l’histoire de son père et de son rêve d’émigrer aux États-Unis, a été saluée à l’international. Le premier volet, Agwe, est sélectionné au Festival de Locarno en 2022 et remporte le prix Paul Robson au FESPACO 2023. Le deuxième, Des rêves en bateaux papiers, sélectionné au Festival de Sundance en 2024, remporte plusieurs distinctions dont le prix du meilleur court-métrage à Nashville et Tirana, le qualifiant pour les Oscars. En 2025, Cœur Bleu, le dernier film de la trilogie, est sélectionné à la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes.


Les CPGE A/L ont rencontré l’autrice Laura Nsafou

Vendredi 14 novembre, les étudiants en classes préparatoires littéraires de 1ère et 2ème année ont rencontré l’autrice Laura NSAFOU, avec la contribution de l’association « Les Pacotilleuses » qui a organisé sa venue en Guadeloupe à l’occasion de la sortie en librairie de l’ouvrage Ecrire avant l’aube, une biographie sur Toni Morrison.

Avec leurs enseignantes de lettres, Mme Bougrer-Cinqval, et d’espagnol, Mme Cruces, les étudiants ont échangé sans discontinuer pendant deux heures avec l’écrivaine à propos de trois de ses œuvres, la bande-dessinée « Nos amours croisées » (dessin Camélia Blandeau, éd. Marabulles, 11/05/2022), le roman « Nos jours brûlés, tome 1 » (Albin Michel jeunesse, 15/09/2021) et la biographie « Ecrire avant l’aube : Toni Morrison » (Albin Michel, 15/10/2025).

Ces échanges très riches ont été l’occasion d’aborder de nombreux thèmes, en particulier le mouvement littéraire et culturel de l’afrofuturisme, l’univers du merveilleux ou la représentation des Noirs dans la littérature. Extraits en vidéo :



Les CPGE A/L au festival Monde en vues

Article rédigé par MIRVAL Clara (A/L 2) & THOMIS Lucas (A/L 1)

Le mardi 14 octobre 2025, nous, étudiants de première et deuxième années des classes préparatoires aux grandes écoles AL du lycée Gerville Réache (CPGE A/L 1 et 2), avons été conviés à la 12ème édition du Festival Monde en Vues. Accompagnés de nos professeurs messieurs Garrush et Delâtre, nous avons eu le plaisir d’assister à un concours d’éloquence avant de faire la rencontre des journalistes Edwy Plénel et Amira Souilem dans l’amphithéâtre du Mémorial ACTe. L’après-midi, nous avons visionné quelques-uns des courts métrages en compétition.

Affiche du film L'Homme Vertige de Malaury Eloi PaisleyLe premier temps fort de cette journée – placée sous la modération de Kanelle Valton – était un concours d’éloquence, axé sur la critique du long métrage L’Homme Vertige écrit et réalisé par Malaury Eloi-Paisley (2024). Un film que les étudiants de deuxième année connaissent particulièrement bien, puisqu’ils l’ont visionné dans le cadre de la master class donnée par la réalisatrice en septembre de l’année dernière.

Les différents lycéens en compétition ont mis en avant la profondeur du film, qui nous plonge avec humanité dans les vies des habitants les plus démunis de Pointe-à-Pitre. La réalisation est poignante, la mise en scène parfois malaisante : on ressent la difficulté de la vie quotidienne d’Eddy, de Ti Chal, de Kampèch et des autres. Pourtant, la réalisatrice prend le soin de nous montrer les personnages avec humanité. Elle parvient à nous transmettre ce qu’elle a découvert pendant 5 ans, au contact de personnes en marge de la société et invisibilisés alors qu’ils vivent au cœur de Pointe-à-Pitre ou de Basse-Terre. “Sans domicile fixe” ou “drogués” : ils sont avant tout des femmes et des hommes et en proie à des difficultés, des craintes et des peurs, au même titre que tous. Plongés dans leurs souvenirs et leurs angoisses, les personnages nous racontent Pointe-à-Pitre au travers de leur vertige. Nous errons avec eux au cœur d’une ville rendue fantôme par les métamorphoses sociales et politiques des soixante-dix dernières années. Nous tombons dans leur sombre vertige tout en apercevant la lumière, leur lumière : ils sont des “Voyants” qui tentent de résister à l’effacement d’une mémoire enfouie dans le silence.

Aurélie Mattio-Schwartz (LGT Baimbridge) et Leigi Forclot (LGT Baimbridge) se sont distingués par leurs performances et ont été désignés lauréats du concours de la critique lycéenne.

“Je les rejoins, je les écoute, je me glisse dans leurs pas et plonge dans leur regard. Leur vertige est le nôtre.” – Malaury Eloi Paisley

De gauche à droite : Kanelle Valton, Eddy Plenel et Amira SouilemNous avons ensuite eu l’honneur de prendre part à une discussion avec Edwy Plénel et Amira Souilem sur la thématique suivante : réfléchir aux métiers de l’information dans les situations actuelles (guerres, désinformation, censures).

Amira Souilem est une journaliste-reporter franco-tunisienne actuellement basée à Ramallah en Cisjordanie occupée (Palestine). Elle couvre le conflit armé israélo-palestinien pour Radio France Internationale (RFI). Sa vocation journalistique est née d’un paradoxe : ses parents ne la laissaient pas regarder la télévision, mais lui permettaient de regarder le journal télévisé. En 1994, elle est indignée par les images d’horreur du génocide perpétrés contre les Tutsis au Rwanda. Elle découvre que l’horreur peut se dérouler sous nos yeux sans qu’aucune mesure ne soit prise. Le journalisme est devenu sa manière d’agir, et de “réparer le monde”. Amira Souilem se consacre tout particulièrement au journalisme dit d’après-guerre. Elle s’intéresse ainsi à ce qu’il reste lorsque les armes se taisent. Comment une société parvient-elle à se reconstruire en dépit des traumatismes persistants ?

La reporter a couvert les dernières élections présidentielles tunisiennes. Seulement, celles-ci ont été décriées en raison de leur corruption évidente. En informant la population des soubresauts des élections pour la présidence du pays du Jasmin, Amira Souilem s’est exposée à des risques. Menacée et forcée à l’exfiltration hors de la Tunisie, elle nous montre un exemple des risques liés au journalisme. Souvent, les informations dérangent et ceux qui les diffusent en payent le prix. Cette expérience traumatisante a confirmé son amour pour sa profession : elle est fière de travailler pour l’information elle-même et non pour les intérêts d’un pays.

Très présente sur les réseaux sociaux, Amira Souilem ne couvre pas uniquement des tragédies. Elle l’affirme, “Le journalisme c’est aussi être coupable de transmettre des mauvaises nouvelles”. C’est pourquoi elle prend soin de partager des clichés, des articles et des réflexions sur la beauté (naturelle et humaine). Car elle apprécie la beauté y compris dans la douleur. Tout est plus intense à proximité de la mort, observe-t-elle. Elle se fait un devoir d’offrir de la beauté et de l’espoir.

“ Parce que la chaleur de la guerre fait ressortir la puissance des grains de café. “ – Amira Souilem

Edwy Plénel a passé son enfance en Martinique, puis en Algérie. Devenu journaliste d’investigation il est à l’origine de révélations sur la présidence de François Mitterrand pour le journal Le Monde, dont il devient directeur de 1996 à 2005. Il est le cofondateur du journal participatif sur Internet, Mediapart, lancé en 2008. En écho aux expériences vécues par Amira Souilem en Cisjordanie, il axe son propos sur les origines du conflit actuel. En évoquant le Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire, il met en lumière une promesse brisée, celle du monde postcolonial voulu par l’article 1.2 de la Charte de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Edwy Plénel propose une lecture du contexte autour de la Palestine : “La Palestine comme un miroir du monde”. Elle pose selon lui la question de l’égalité au sein des sociétés du monde arabe, dont la plupart souffrent de fractures politiques, sociales et culturelles. De plus, la situation palestinienne a remis sous les feux de l’actualité la problématique du colonialisme et de l’impérialisme. Les peuples opprimés deviennent oppresseurs. Aujourd’hui, Israël, dans sa politique, engendre ce que son peuple a subi il y a moins d’un siècle.

Le cofondateur de Mediapart souligne les enjeux cruciaux de l’information en temps de guerre. Les récents accords de cessez-le-feu signés à Charm el-Cheikh, en Égypte, le lundi 13 octobre 2025 en Égypte sous l’égide de Donald Trump, mais en l’absence du gouvernement israélien, en offrent un exemple. Edwy Plénel met en garde sur ces accords, qu’il qualifie de “pause avec une volonté d’oubli”. En temps de guerre, il arrive que certaines décisions soient davantage politico-médiatiques que réellement effectives. En effet, ces accords ont d’ores et déjà été violés par Israël et le Hamas au cours de la semaine qui a suivi la signature des accords.

REGARDS CROISÉS :

Informer, c’est résister : le journalisme au cœur du contre-pouvoir

Edwy Plénel le rappelle, le journaliste sert le droit de savoir et non son employeur (Charte de déontologie de Munich ou Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, signée le 24 novembre 1971). En informant, le journaliste assure la fonction vitale du contre-pouvoir démocratique. Dans des périodes de crises – qu’il s’agisse de guerres, de désinformation ou de censure –, le journalisme demeure l’un des métiers les plus stratégiques. Le contrôle de la presse permet à un pays de maîtriser l’opinion publique et de façonner le récit des événements à son avantage. Afin de conserver ce pouvoir (celui de servir l’information avant tout), les journalistes, les rédactions et les médias comptent sur un collectif protecteur apportant du contrôle, de la solidarité et le pouvoir de dire non aux sollicitations contraires à leur déontologie. Or, les sollicitations sont nombreuses : l’information est devenue une “marchandise sensible qui attise les convoitises. Dans un contexte de crise du service public et d’autocensure croissante, le journaliste doit apprendre à refuser de “mettre de l’eau dans son vin”, c’est-à-dire à ne pas édulcorer la vérité sous la pression de la hiérarchie (dans une rédaction par exemple) ou du pouvoir en place.

Pourquoi s’intéresser à la Palestine ?

“C’est en voyant l’autre comme sauvage que l’on devient sauvage soit même.” – Edwy Plénel

Depuis 1948, au nom de l’égalité des droits, on constate que sous la bannière des principes fondamentaux peuvent se cacher des régimes autoritaires. La reconnaissance de l’État d’Israël visait notamment à réparer la Shoah. Pourtant, lorsque 80% du peuple palestinien (la Nakba) est expulsé en 1948-4949 et que le mot Palestine est effacé, personne ne bronche. Face à ce silence, le monde a détourné le regard. Pourtant, c’est en refusant de voir l’Autre comme un semblable que l’on devient soi-même inhumain. Un sursaut de civilité ne protège pas de la barbarie ; il faut leur rendre leur nom contre la violence du dominant. Le discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire est malheureusement encore d’actualité, car, comme l’a rappelé le poète, tout commence par les mots : les mots qui disent, qui nomment, qui résistent.

Que peut-on faire quand on a 20 ans et que le monde s’écroule ? (Edwy Plénel)

Notre génération doit refuser la culpabilité et apprendre des vaincus plutôt que de glorifier les vainqueurs, souvent corrompus par le pouvoir. Comme l’illustrait Albert Camus (alors journaliste pour Alger Républicain), s’engager, c’est élever le monde par le langage, résister aux violences autoritaires et participer aux vagues de l’émancipation.

« Il n’est pas question de livrer le monde aux assassins d’aube » – Aimé Césaire

Notre séance de visionnage de l’après-midi a compris les courts métrages Je ne suis pas elle, je suis l’autre de Cédrine Barnabé, Sans banc fixe de Galiam Bruno Henry, Cœur Bleu de Samuel Seffrien, Coronas negras d’André Lô Sanchez et En mil pedazos de Féguenson Hermogène. Il est évident qu’ils ont été choisis avec le plus grand soin car nous pouvons trouver en chacun un lien avec le film de Malaury Éloi Paisley L’homme vertige.

Que ce soit dans le dédain social des maladies mentales chez Cédrine Barnabé ; le focus sur les personnes sans domicile fixe chez Galiam Bruno Henry ; le thème de la pauvreté que les personnages subissent et dans laquelle ils subsistent chez Samuel Seffrien ; la thématique de la vie en tant que noir et les regards injustifiés que cela engendre chez André Lô Sanchez ; tout comme le mal de la colonisation qui nous donne le vertige ou encore le retour aux sources qu’emmène la pratique des rites religieux précoloniaux : tout nous rappelle le long métrage. Ensemble, ces œuvres dressent un portrait sensible et engagé du monde d’aujourd’hui, où chaque vertige devient une forme de résistance.

Cette rencontre nous a offert une ouverture essentielle sur le monde contemporain. En croisant la parole des journalistes et notre formation littéraire, elle nous a permis de réfléchir à la place de l’information, du courage et de la parole libre dans la société : autant de valeurs communes à la littérature et au journalisme. Elle nous a sensibilisés à l’importance de la pensée critique et analytique, une compétence primordiale dans nos études comme dans la vie citoyenne. Sur le plan humain et éthique, ces discussions avec Amira Souilem et Edwy Plénel nous ont rappelé que la liberté d’informer et la liberté de penser ne vont jamais de soi. Leur engagement personnel incarne la dimension existentielle du savoir : informer, c’est agir, c’est résister, c’est défendre la dignité humaine.

L’Homme Vertige et les journalistes engagés partagent un même combat : donner la parole à ceux qu’on ne voit plus, afin que nul ne disparaisse dans le silence.


Photographie et archives, raconter l’esclavage avec Matthieu Rosier

Nous avons eu la chance d’accueillir au lycée, dans notre appartement réservé aux invités, le photographe et artiste visuel Matthieu ROSIER du 22 septembre au 8 octobre 2025.

Durant son séjour, il a ainsi pu animer une série de rencontres et d’ateliers avec trois groupes d’élèves et étudiants : les deux groupes de 1ère Spécialité Arts plastiques et leur enseignant d’Arts plastiques, M. Christophe GORIN, et la classe d’étudiants CPGE A/L 1ère année et leur enseignant d’Histoire, M. Gilles DELATRE.

Matthieu Rosier lors de la 1ère journée avec les étudiants CPGE AL 1ère année

Lors de la première séance, Matthieu Rosier a d’abord présenter son travail de reporter, en particulier au Mali, au Kurdistan, en Turquie et en Irak.
Il a ainsi pu présenter les spécificités et la portée documentaire d’un reportage journalistique avant de faire un focus sur son travail artistique intitulé « Si Dieu veut », en hommage à sa grand-mère :

A travers ce travail, je souhaite croiser deux histoires et deux identités, celle du côté de ma famille maternelle dans l’Hexagone et celle, du côté paternel, une famille guadeloupéenne afro descendante qui a pour pilier central, Clarice Rosier, ma grand-mère, aujourd’hui âgée de 104 ans et mère de 16 enfants. Protestante, très pieuse, elle commence et finit systématiquement ces phrases par “si Dieu veut”. Clarice Rosier est la figure iconique de cette frise photographique et apporte un espace de spiritualité inhérent à ma manière de photographier. Une démarche qui tend vers le rituel, la répétition, la collection. Au sein de cette histoire, le personnage de ma grand-mère représente également le liant entre les générations passées et futures, elle fait le pont entre l’histoire et le présent.

A la manière de ce travail artistique, les élèves et étudiants ont d’abord travaillé à partir de leurs propres photos de familles, de manière à s’appuyer dans un premier temps sur leurs histoires intimes et personnels.

En leur proposant ensuite d’introduire des images d’archives (à partir d’un corpus récolté par nos soins et mis à disposition par les Archives Départementales de la Guadeloupe) ainsi que des prises de vue réalisées lors de la visite guidée du MUSARTH de Pointe-à-Pitre, nous avons commencé à explorer les notions d’héritage et de récit.

Le Musarth de Pointe-à-Pitre

Dès lors, l’objectif fixé a été de créer une frise de 4 à 5 images comprenant 1 à 2 photos de famille, 1 image d’archives et 1 à 2 photos des collections du Musarth, témoins de l’histoire de l’esclavage.

A travers ces créations, les élèves et étudiants ont ainsi pu produire des récits en images comme autant de parcours à la fois intimes et collectifs, au cœur de cette histoire partagée.

Une exposition de restitution est programmée courant mars 2026 dans les espaces temporaires du MUSARTH que nous remercions sincèrement.

Ce travail a été entrepris dans le cadre d’un appel à projets lancé par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage que nous remercions également. Grâce à leur soutien, nous avons pu financer la réalisation de ce projet pédagogique.

https://www.rosiermatthieu.com


Clémence Botino, marraine des CPGE AL

Le mercredi 01 octobre 2025, nous, élèves de première et deuxième année des classes préparatoires aux grandes écoles AL du Lycée Gerville Reache (CPGE A/L 1 et 2), avons eu l’honneur d’accueillir Madame Clémence BOTINO au sein de notre établissement. Cette rencontre est l’aboutissement du premier projet de l’année, organisé par notre association étudiante tout juste relancée, KaruPrépa. L’initiative de cette rencontre prise au sein même de la classe a été suivie par des procédures et prises de contact, avec notamment son attaché de presse Marvyn Vala, par des membres du bureau de l’association. Ce projet avait pour but principal de faire de Clémence BOTINO la marraine de la nouvelle promotion 2025-2027, mais aussi d’établir un contact avec celle qui a été une ancienne étudiante de notre CPGE A/L de la promotion 2015-2017, il y a pile dix ans.

Accueil de Clémence Botino au Lycée. Crédits photo Matthieu Rosier

Notre matinée en sa compagnie a commencé par un accueil à l’entrée du lycée avec quelques mots du proviseur pour lui souhaiter la bienvenue qui ont été suivis par le discours d’un étudiant de première année mais aussi Co-président de l’association, PREPONT–NAGERA Thanaël, qui a particulièrement touché l’ensemble des étudiants, du personnel et invités présents :

Discours de Thanaël PREPONT–NAGERA pdf

Ce premier contact avec Madame Clémence BOTINO annonçait déjà la couleur pour la suite de cette matinée puisqu’elle nous a paru très ouverte et accessible. Elle a pris la parole pour nous remercier de cet accueil et nous a exprimé sa fierté d’être présente en ce jour et à cette occasion. Un bouquet de fleurs lui a ensuite été offert et apporté par deux étudiantes de première année Manon COURAGE et Donia OSNE. Une journaliste de Canal10 puis un journaliste de Guadeloupe Première étaient présents pour des reportages sur l’événement ce qui a contribué à sa visibilité. De plus, le photographe Matthieu ROSIER qui a eu l’occasion de travailler avec les étudiants de première année a accepté de venir pour immortaliser cette matinée par son travail.

Les étudiants CPGE AL et Clémence Botino. Crédits photo Matthieu Rosier

Nous nous sommes ensuite rendus en salle de réunion ou nous avons pu nous retrouver seuls avec elle, en cercle, pour un échange privé au cours duquel elle nous a rappelé son parcours atypique et enrichissant sans omettre les échecs qu’elle a connus en plus des opportunités et réussites. Nous avons pu discuter de nos expériences respectives en prépa, partager des anecdotes, lui poser des questions, lui demander conseil, lui exposer nos possibles doutes et évoquer nos projets tant personnels que collectifs. Sa mère, également présente, nous a aussi été de très bon conseil. La proximité naturelle qui s’est installée entre nous au cours de cet échange teinté d’humour et parsemé d’éclats de rire a rendu ce moment particulièrement appréciable et convivial. Elle nous a rappelé les choses essentielles en prépa selon elle, telles que les amitiés, la santé, la nourriture et le sommeil mais aussi l’importance de ne pas vivre seuls cette période, d’être accompagnés et entourés ou encore la notion de la résilience c’est-à-dire le « je tombe, je me relève ». Les échecs plus ou moins grands sont normaux et sont des étapes de la vie. Si elle dit que c’est la prépa qui l’a choisie et pas l’inverse, elle ne regrette pas pour autant ces deux années formatrices passées dans l’atmosphère du lycée Gerville Réache et ses alentours dans l’agréable centre ville de Basse-Terre. Ces années ont en effet été enrichissantes avec certes des sacrifices mais surtout des bénéfices à long terme. L’enrichissement est aussi particulièrement au niveau social. Notre prépa a été pour elle, et l’est encore pour nous, un lieu de rencontre, de fous rires, de souvenirs, d’entraide et de partage qui l’ont particulièrement marquée et dont elle se souvient encore très bien aujourd’hui. Les relations et contacts créés au cours de la prépa perdurent dans le temps, Clémence nous a d’ailleurs proposé de nous partager les parcours de certains étudiants de sa promotion afin que nous ayons accès à des exemples de différents chemins de vie, plus ou moins atypiques mais toujours inspirants. Si elle devait noter cette expérience avec le recul et tous ses aspects, elle lui donnerait la note très satisfaisante de 7,5 voire 8 sur 10.

Suite à notre échange privé, les éco-délégués du lycée ont également eu la chance de la rencontrer pour lui parler de projets en lien avec l’UNESCO.

En effet, Clémence BOTINO, après ses années de prépa a continué ses études avec un master en histoire moderne puis en histoire de l’art et est maintenant conseillère en communication digitale pour la Commission nationale française de l’UNESCO.

Puis nous avons procédé à la cérémonie de marrainage qui a débuté avec un discours touchant pour Clémence de Flora SOULEZ, étudiante de AL2 et co-présidente de l’association KaruPrépa, afin de la remercier pour sa venue ainsi que son adhésion à notre projet.

Discours de Flora SOULEZ pdf

Discours du Proviseur, M. LAPIN. Crédits photo Matthieu Rosier

Ce discours a été suivi par les mots du Proviseur, M. Lapin qui a inscrit Clémence BOTINO dans la liste « des éclaireurs » du lycée Gerville Réache et de ses élèves, à la suite de sa prédécesseure Simone Schwarz-Bart, marraine de la promotion 2024-2026 dont une des salles de la CPGE A/L porte le nom depuis la cérémonie d’inauguration du 29 janvier 2025. Les représentants des institutions présents (représentante du député, représentant du maire et président du crédit mutuel), ont tenu à adresser de courts discours aux étudiants.

Clémence BOTINO a également pris la parole pour remercier l’équipe pédagogique, le Proviseur ainsi que les étudiants pour cet accueil chaleureux. Elle a aussi tenu, avant la signature officielle, à établir un contact à travers un cercle formé par les étudiants de première et deuxième années auquel elle a elle-même pris part pour une répétition de paroles valorisantes qui n’ont pas manqué de mettre en avant la fierté d’être de jeunes guadeloupéens.

Cercle formée avec les étudiants. Crédits photo Matthieu Rosier

Ensuite a eu lieu la signature officielle qui a débuté par la lecture des articles du contrat de marrainage et s’est poursuivie par sa signature ainsi que celle du livre d’or, qu’elle avait déjà signé en 2020, l’année de son élection en tant que Miss France. La cérémonie s’est clôturée par un tonnerre d’applaudissements de l’assemblée ainsi que par des photos. Un livre lui a été remis comme cadeau par deux étudiants khubes, c’est-à-dire en troisième année de prépa, Alicia MICHELY et Solor BOISDUR, intitulé Femmes du monde de Titouan LAMAZOU et choisi par le professeur d’histoire, qui fut aussi le sien, Monsieur DELATRE. Pour terminer cette belle matinée, un buffet nous attendait tous et nous avons pu en profiter dans un moment d’échanges et de partage.

C’est lors d’un dernier instant chaleureux en la raccompagnant que nous avons pu prendre des photos souvenirs mais également lui poser quelques questions filmées pour le compte Instagram de notre prépa où cette journée en sa compagnie pourra être retrouvée ainsi que nos autres aventures. Nous avons ensuite malheureusement dû lui dire au revoir pour de bon. Elle est partie accompagnée de sa mère et de ses cadeaux, mais aussi, nous l’espérons, de bons souvenirs de cette matinée tout comme ce fut le cas pour nous. Nous avons hâte de pouvoir la revoir elle qui en tant que nouvelle marraine a déclaré sur le ton humoristique qu’elle nous suivrait au point de venir a nos conseils de classe. Nous savons que nous pouvons compter sur elle pour être une marraine dévouée qui nous accompagnera au cours de nos nombreux projets prévus cette année, notamment un voyage à Paris, desquels vous pouvez vous tenir informés par nos articles ou encore nos comptes Instagram et TikTok.

Fabius Emma, CPGE AL 2ème année
Courage Manon, CPGE AL 1ère année

Lien vers la vidéo Instagram de cet événement : https://www.instagram.com/reel/DPj5xxtkaw9/?igsh=MTN4dzh3NHVxbnRtdg==


Conférence passionnante de Benjamin Stora et Karine Sitcharn pour les CPGE AL 1 au Mémorial ACTe

Le mercredi 9 avril 2025, la classe d’hypokhâgne du lycée a assisté à la conférence que l’historien Benjamin Stora donnait au Mémorial ACTe, Inès et Emma témoignent.

Organisée par Karine Sitcharn, professeure d’histoire-géographie et docteure en Sciences de la société, cette conférence a eu lieu de 10 heures à midi dans la Salle des congrès du Mémorial ACTe. Au cours de celle-ci, des lycéens de différents établissements et nous-mêmes avons assisté à la présentation par la chercheuse de son travail, intitulé « Gouverner la jeunesse antillaise à travers la conscription en guerre d’Algérie ». De plus, nous avons eu la chance d’échanger avec l’historien Benjamin Stora, figure majeure de la réflexion mémorielle sur la guerre d’Algérie et invité exceptionnel de cette rencontre. Le nom de ce grand historien était loin de nous être inconnu. En effet, pour nous, il s’agissait de poursuivre un travail et une réflexion déjà entamés en cours d’histoire sur la question « L’Algérie, les Algériens et la France de 1830 à 1962 », soit des débuts de la conquête par la France jusqu’à l’indépendance de l’Algérie. Aussi certains des ouvrages de Benjamin Stora comme son Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954) ou encore son Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962) nous étaient familiers de même que son documentaire Guerre d’Algérie, la déchirure, coréalisé par Gabriel Le Bomin en 2012.

Né le 2 décembre 1950 dans une famille juive d’Algérie, Benjamin Stora a grandi pendant la guerre d’Algérie. Il raconte son enfance dans son livre intitulé Les clés retrouvées : une enfance juive à Constantine, paru en 2016. En 1962 sa famille émigre en France et vit un déclassement. Il utilise alors la politique comme moyen d’intégration, et s’engage en Mai-Juin 1968 dans l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI).

Lorsqu’une de nos camarades lui pose la question « Pourquoi avez-vous décidé de travailler sur la Guerre d’Algérie ? », Benjamin Stora répond qu’un professeur de la faculté de Nanterre, où il était étudiant, lui avait fait remarquer qu’il s’intéressait à toutes les révolutions sauf à la révolution algérienne. Cela l’a fait se questionner sur ses origines, en lui faisant remarquer qu’il ne s’était jamais posé de questions sur ses propres racines. Cela reflète la profondeur de l’oubli, il avait enseveli l’exil et la misère qu’il avait connus. Dès lors, il s’est lancé dans de longues recherches sur ces événements qui ont eu lieu de 1954 à 1962. Il ajoute qu’avec toutes ces recherches il s’est rendu compte que les tensions dataient de bien plus loin, il est donc remonté à l’année 1830. Ce fut comme un travail de redécouverte de lui-même qu’il a d’ailleurs concrétisé à travers une deuxième autobiographie intitulée L’arrivée et parue en 2023. Au fil des années, il a rencontré de nombreux acteurs de la guerre d’Algérie et a d’ailleurs rédigé un Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, 1926-1954 (1985). Cependant, malgré ce travail considérable, reconnu par la communauté des historiens, il est aujourd’hui la victime de commentaires dénigrants voire de menaces émanant des milieux d’extrême droite.

La conférence a donc débuté par une intervention de Benjamin Stora qui nous a rappelé à tous l’importance de cette guerre d’Algérie tant pour l’Algérie elle-même (où elle est nommée guerre d’indépendance) que pour la France. Cette guerre a profondément marqué les deux territoires et les deux pays. En France, la guerre d’Algérie a entraîné une modification de la classe politique française, tant à gauche qu’à droite. Elle a fait tomber la IVe République et amené une nouvelle Constitution. Il est trop souvent oublié en effet que la Vème République d’aujourd’hui, découle directement du conflit franco-algérien puisque sa constitution, avec son fameux article 16 qui confère au président de la République des pouvoir exceptionnels en cas de crise grave, a été adoptée pour cette guerre. La guerre d’Algérie n’a pas été seulement un conflit franco-algérien, mais aussi un conflit algéro-algérien (le FLN contre le MNA, la répression contre les harkis) et un conflit franco-français (le putsch des généraux en avril 1961, les attentats de l’OAS), un triple drame.

Le travail des historiens a montré combien cette guerre fut terrible : la guerre des grottes (dans le cadre du plan Challe de 1959 à 1961) est le nom des actions de contre-insurrection menée par l’armée française contre les combattants du FLN et les populations civiles réfugiées dans les grottes et reposant sur l’utilisation d’armes chimiques. C’est grâce aux archives et témoignages que l’ampleur de la guerre a été révélée peu à peu. Si en France le conflit est aujourd’hui appelé guerre d’Algérie, après des années de « guerre sans nom », en Algérie on parle de la guerre d’indépendance, de la Guerre de Libération Nationale. Les mémoires sont différentes et souvent conflictuelles.

Si la guerre d’Algérie a été si difficile à mener et à accepter pour la France et si aujourd’hui encore son souvenir est compliqué, c’est parce que le territoire algérien était considéré comme le prolongement de la France : « L’Algérie c’est la France » répétait-on encore au début de la guerre. Il s’agissait de trois départements français rattachés administrativement au ministère de l’intérieur et non au ministère des colonies mais également une colonie de peuplement de près d’un million d’Européens. Quant aux Algériens, leur citoyenneté progressivement concédée s’opposait toujours à un droit dérogatoire en contradiction fondamentale avec les principes de la République. Le nationalisme algérien précisément s’est développé dans la recherche d’une citoyenneté de plein exercice, et si en 1958, le droit de vote est enfin accordé à l’ensemble de la population, il est déjà trop tard car les idées nationalistes et indépendantistes sont déjà ancrées dans les mentalités.

Dans un second temps, Karine Sitcharn nous a présenté un travail intitulé « Gouverner la jeunesse antillaise à travers la conscription en guerre d’Algérie ». Elle a défini la conscription comme étant l’obligation pour les jeunes de faire leur service militaire. Comme l’a rappelé Benjamin Stora, au cours de la guerre d’Algérie, les appelés du contingent furent nombreux à participer au conflit, environ 1,5 million, soit presque tous les hommes nés entre 1932 et 1943 et parmi eux 4000 Antillais. Pour ses recherches, Karine Sitcharn s’est basée sur des sources orales et écrites, notamment avec les « registres matricules » rassemblant énormément de données telles que le recensement, les condamnations civiles ou pénales, mais elle a aussi utilisé certaines archives des fonds Foccart et Debré longtemps inaccessibles aux chercheurs. Elle nous a appris l’existence de deux types de jeunes soldats engagés. D’une part, les appelés du contingent âgés d’entre 18 et 20 ans et mobilisés dès 1956 par le gouvernement de Guy Mollet, et, d’autre part, les engagés volontaires. Ces derniers ont été plus nombreux en Martinique qu’en Guadeloupe. Cela s’explique, selon Karine Sitcharn, par le fait que la Martinique connaît à l’époque une crise économique contrairement à la Guadeloupe. De plus, elle nous a également expliqué qu’il y a un manque d’information et que les jeunes pensent s’engager dans une opération de maintien de l’ordre. Il faut dire que c’est ainsi que le gouvernement et la plupart des médias de l’époque qualifient le conflit. Un des témoignages utilisés par Mme Sitcharn dit « S’engager c’était une porte de sortie ».

Au cours de son travail de thèse, Karine Sitcharn a recueilli les témoignages de 23 anciens combattants guadeloupéens. Aux Antilles, la mémoire de cette guerre est une mémoire traumatique et douloureuse, son travail a alors été à la fois un travail historique et sociologique. Comme exemple de traumatisme, elle a évoqué cet appelé du contingent qui à peine arrivé en Algérie, a dû ramasser des corps à la suite d’un attentat. Il faut tenir compte du fait que la mémoire et l’histoire sont confrontées et parfois s’opposent. Dans la mémoire antillaise, il y a l’idée d’« une génération d’Algérie aux Antilles », or, dans les faits, seuls 10% des recensés sont envoyés ce qui ne représente pas une génération. La mémoire est alors à la fois une source et un objet d’histoire ce qui doit amener une réflexion épistémologique sur le sujet.

Les raisons de l’envoi des Antillais en Algérie sont diverses et cet envoi a souvent fait débat. Une des raisons est la peur par le pouvoir de l’explosion démographique aux Antilles ainsi que le manque de travail causé par cette explosion qui pourrait conduire également à une explosion sociale et politique. Malgré cette volonté d’envoyer des Antillais, il y a également des oppositions et réticences de l’armée. En effet, les Antillais sont vus comme des « étrangers de l’intérieur » ou considérés comme « pas assez français ». Une vision exotique et coloniale des Antillais ainsi se perpétue. Par exemple, il est souvent dit que la forte démographie sur le territoire s’explique par les « mœurs légères » des habitants. Ils sont également considérés comme pas intelligents, il est affirmé que 50% ne savent ni lire ni écrire. Or, les recherches basées sur les registres matricules de Karine Sitcharn montrent un analphabétisme de seulement 4%. La peur que les soldats antillais puissent utiliser leur expérience de guerre par la suite contre l’État français est également un frein à leur envoi en Algérie. Au sein de l’armée néanmoins, ce ne sont pas les Noirs qui sont vus comme des étrangers mais les Algériens qui, quoique combattant sous l’uniforme français, sont souvent perçus comme des ennemis potentiels. La désertion est davantage le fait des classes populaires, qui n’ont rien à perdre, que des intellectuels.

Dans la dernière partie de la conférence, lycéens comme étudiants, ont pu poser des questions aux deux conférenciers. Le sujet de la transmission notamment a été abordé. Mme Sitcharn a pu annoncer l’ouverture aux archives départementales d’une phonothèque constituée des témoignages de 28 anciens combattants guadeloupéens de la guerre d’Algérie et dont Benjamin Stora est le parrain. Pour une réconciliation il est important de donner sa place à chaque mémoire. Au contraire, taire l’histoire c’est attendre qu’elle revienne de façon plus violente avec une dynamique de revanche. C’est dangereux de dissimuler l’histoire, observe Benjamin Stora.

La polémique qui a suivi les propos du journaliste Jean-Michel Apathie parlant de plusieurs « Oradour-sur-Glane » perpétrés par les Français pendant la conquête montre à quel point les faits, pourtant établis, documentés, peuvent être niées sans aucun scrupule. Cela montre que le travail des historiens n’est pas assez connu. Il doit être porté et transmis. Benjamin Stora a rappelé que malgré les nombreuses critiques qu’il a reçues au cours de ses années de travail, l’histoire a fini par lui donner raison. « Pour mieux comprendre il faut lire, il faut de la culture », ces mots de l’historien font écho particulièrement à la filière que nous avons choisie et sont importants pour la jeunesse.

A la fin de la conférence, nous avons eu le privilège de poursuivre notre échange avec Benjamin Stora et Karine Sitcharn ainsi que de prendre des photos en leur compagnie accompagnés de certains de nos professeurs avant de reprendre la route pour notre lycée. Cette conférence très enrichissante nous a permis de nous rappeler le lien étroit entre les Antilles et l’Algérie et le rôle qu’ont joué les Antillais dans la guerre en général ou avec des figures précises telle que celle de Frantz Fanon, Sonny Rupaire ou Roland Thésauros. Ça a également été un moyen de comprendre la complexité des rapports entre les individus et une mémoire qui, encore aujourd’hui, est douloureuse longtemps après le conflit. Cette mémoire est traumatique particulièrement aux Antilles car elle fait écho à la mémoire également douloureuse de l’esclavage. Le travail de Karine Sitcharn spécialement nous rappelle l’importance des sources, orales comme écrites, l’importance de les nuancer et celle de considérer chaque mémoire en n’en occultant aucune.

Sources : https://www.karibinfo.com/news/rencontres-memorielles-la-guadeloupe-au-coeur-des-memoires-partagees/

Fabius Emma et Châtelard Inès, CPGE AL 1ère année


Rencontre avec l’historien Gilles MANCERON pour les CPGE AL1

Le lundi 10 mars 2025, nous, classes préparatoires aux grandes écoles du lycée Gerville Reache, CPGE A/L 1 puis 2, avons eu l’opportunité d’accueillir au sein de notre établissement, de rencontrer et d’échanger pendant quatre heures au total, deux heures pour les étudiants de première année puis deux également pour ceux de deuxième année, avec l’historien Gilles Manceron. Cet échange avec un historien, spécialiste de l’idéologie coloniale française, reconnu pour ses travaux sur l’histoire contemporaine, s’inscrit dans le cadre d’un travail en cours d’histoire sur plusieurs mois portant sur le thème de l’Algérie et la France, de la colonisation de l’Algérie en 1830 à son indépendance en 1962 après la guerre d’Algérie. Ce thème nous a permis d’aborder ce même sujet de la colonisation française dans d’autres territoires, notamment aux Antilles, et plus particulièrement ici, en Guadeloupe. Au cours de ce travail et de ces enseignements, le professeur d’histoire de la CPGE AL, M. Delâtre, a d’ailleurs eu l’occasion d’employer l’ouvrage Marianne et les colonies (2003), un ouvrage de référence de Gilles Manceron. C’est donc enchantés que nous avons pu rencontrer cet historien qui ne nous était pas complètement inconnu afin de poursuivre et approfondir notre travail.

L’historien Gilles Manceron devant les étudiant.e.s de la classe d’hypokhâgne

L’échange a commencé par une intervention d’une des étudiantes de la classe, Gillian Lucol, lauréate du prix de l’éloquence Félix Éboué en 2024, qui a présenté notre invité à l’ensemble de la classe afin d’établir un premier contact entre nous, étudiants, et l’historien, en visite de quatre jours sur notre île. Gillian nous l’a présenté comme enseignant chercheur en histoire, spécialiste de l’idéologie coloniale française et auteur, notamment des livres : D’une rive à l’autre, avec Hassan Remaoun (1996) ou La Colonisation, la Loi et l’Histoire, avec Claude Liauzu (2006).

Dans un premier temps a eu lieu une sorte de conférence plutôt conviviale avec l’historien au cours de laquelle celui-ci a pu nous parler de différents sujets. Nous en avons appris davantage quant aux notions essentielles de la démocratie que sont le droit international et l’état de droit. De plus, il a témoigné en tant qu’historien de la difficulté d’accès aux archives permettant d’écrire l’histoire coloniale. Les archives en effet peuvent s’avérer être des morceaux gênants de l’histoire pour le pouvoir et/ou la société. Face à cette difficulté un regroupement de juristes, historiens et archivistes, a déposé entre 2019 et 2021 un recours au Conseil d’État pour un accès plus facile aux archives publiques. Ce recours a été un recours gagnant.

Gilles Manceron nous a également mis en garde quant au caractère malléable du droit : celui-ci peut être mal employé, à de mauvaises fins. Des mesures attentatoires au droit peuvent être légitimées par certains juristes par exemple. « On peut tordre le droit pour habiller de droit une dictature » dit-il. Il en a profité pour nous parler du célèbre avocat maître Henri Leclerc, disparu en août 2024, qui est venu plaider plusieurs fois en Guadeloupe. Membre de la Ligue des droits de l’homme, il en fut le président de 1995 à 2000 puis le président d’honneur de 2000 à 2024. Entre janvier et mars 1968 à la tête d’un collectif d’avocats constitué notamment du Guadeloupéen Fred Hermantin, il avait défendu devant la cour de sureté de l’État et en présence de Jean-Paul Sartre et d’Aimé Césaire les « dix-huit patriotes » inculpés après les événements de mai 1967 à Pointe-à-Pitre, obtenant l’acquittement pour treize d’entre eux et des peines avec sursis pour les cinq autres. Gaston Gerville Réache, dont notre lycée porte le nom, était d’ailleurs lui-même avocat et a été lui aussi membre de la Ligue des Droits de l’Homme à ses débuts, tout comme Gilles Manceron l’est aujourd’hui. L’historien spécialiste de l’idéologie coloniale française a également tenu à nous rappeler que la colonisation n’est pas simplement une barbarie soudaine dans une hypothétique situation pré coloniale de paradis perdu. En effet, chaque peuple fonde une société avec des valeurs qui ne sont pas forcément bonnes. C’est alors également une erreur de croire qu’il n’y avait rien avant la colonisation d’un territoire. Une dernière notion abordée est celle du refus de la « Françafrique ». Il y a effectivement dans certains pays africains, anciennes colonies françaises, la volonté de rejeter tout ce qui vient de la France. Malgré la décolonisation et à sa suite, la France a gardé une influence et une forme de pression sur les pouvoirs en place dans ces pays. Cependant, il est important selon Gilles Manceron de considérer l’histoire coloniale de tout pays ainsi que son histoire interne de manière nuancée. Durant la période de la colonisation, la France a connu des évolutions positives simultanément à d’autres aspects négatifs, de même l’histoire interne des pays colonisés est une histoire d’une richesse qui a été tue. Il faut donc faire attention à ne pas porter des jugements trop simplistes car il existe une complexité des questions coloniales et post-coloniales.

Au cours de cette première partie d’une heure, l’historien nous a enrichi de son regard critique et de son expertise sur ces nombreux sujets.

La classe d’hypokhâgne très attentive…

Notre rencontre s’est poursuivie, après une pause, par un moment d’échanges très interactif où chacun d’entre nous a eu l’occasion de poser des questions concernant la colonisation ou d’autres thèmes abordés au cours de la première partie.

On peut retenir de ces échanges enrichissants de nombreuses choses. Premièrement, les promesses politiques coloniales sont souvent oubliées par ceux qui les ont faites, tant dans le cas de l’Algérie que dans celui des Antilles. De plus, concernant les actes français de la colonisation, tous doivent être reconnus même ceux qui n’arrangent pas par rapport à la vision de telle ou telle chose. L’objectif est d’atteindre une histoire précise et la plus objective possible. Il est vrai néanmoins qu’il est compliqué de reconnaître ses crimes, tant à l’échelle de l’individu que de l’État. « Un État grandit en reconnaissant les pages sombres de son passé », disait la France à la Turquie. Si ceci est vrai pour la Turquie, ça l’est aussi pour la France. Reconnaître les actions de la colonisation passe aussi par la transmission. L’enjeu de la connaissance est un enjeu majeur, enseigner l’histoire coloniale en France comme en Algérie est essentiel afin de perpétuer la mémoire. C’est suivant cet enjeu essentiel que la problématique des programmes des cours d’histoire a été évoquée. Ces programmes ont écarté et occulté les événements de la colonisation française en Algérie et particulièrement ceux de la guerre d’indépendance algérienne. Finalement, le ministère a ajouté cette part de l’histoire aux programmes et manuels. Gilles Manceron, ayant enseigné au lycée, explique qu’avant même l’ajout au programme de ces événements, il les évoquait déjà en cours. C’était cependant essentiellement dans l’histoire universitaire qu’étaient enseignées la colonisation et la décolonisation.

Des questions également très actuelles concernant les relations entre l’Algérie et la France ont été posées notamment au sujet de la non-neutralité de la France quant au conflit entre Algérie et Maroc par rapport à la revendication du Sahara occidental. L’historien a abordé les tensions qui se sont ravivées suite à la prise de parole du président français ayant changé de politique passant de la neutralité, position de l’ONU, à un soutien au Maroc. Une décision bien peu démocratique qu’il juge responsable de la détérioration des relations avec l’Algérie, qui a toujours soutenu depuis 1962 le Front Polisario, mouvement indépendantiste du Sahara occidental, en rêvant sans doute à un accès à l’Atlantique. Quant à la question plus générale des relations entre la France et l’Afrique, l’historien estime que l’abolition de la « Françafrique » est légitime, néanmoins, il pense que de nouvelles relations pourraient être instaurées entre la France et les pays d’Afrique afin de permettre un échange. Il faut être capable de repérer et d’apprécier ce qui est intéressant dans le pays de l’autre.

Notre échange très enrichissant s’est conclu et nous avons pu immortaliser ce moment par une photo de groupe avec l’historien. Nous n’avons pas été déçu de cette rencontre et avons pu grâce à notre invité en apprendre tant sur des sujets suivant sa spécialité, l’idéologie coloniale française, mais pas uniquement. La diversité de sujets abordés retranscrit la multiplicité de domaines auxquels s’intéresse l’historien mais également sa culture dans tous ces domaines. Pour nous, c’est très inspirant puisque cela montre qu’il est possible de toucher à différents sujets et matières malgré une spécialisation précise. Dans le cadre de la prépa littéraire, nous travaillons en effet diverses matières ce qui nous permet de nous bâtir une grande culture générale, en attente d’une spécialisation qui commence d’ailleurs dès l’année prochaine, pour nous, étudiants de première année.

Article rédigé par Fabius Emma, CPGE AL 1ère année


Mémoire et Histoire – Article de Emma Fabius

Nous vous invitons à lire l’article rédigé par Emma FABIUS, étudiante CPGE A/L 1ère année, autour d’un travail mené sur le thème Mémoire et Histoire avec son enseignant d’histoire, M. DELATRE.

Thomas-Robert Bugeaud, duc d’Isly mais surtout Maréchal de France, est une figure historique largement représentée sur le territoire français. Son nom est devenu celui de plusieurs rues dans le pays, ses statues sont érigées de façon glorieuse en des places visibles de tous. C’est le cas notamment à Périgueux où la statue de l’homme vient rappeler son histoire et celle qui lui est associée, celle de la France elle-même. Or, le Maréchal Bugeaud est une figure très controversée. Désigné comme étant d’un côté « un grand homme de guerre » ayant par exemple participé aux guerres d’Espagne et d’Algérie, il est également dépeint comme étant un « homme condamnable ». Il est par exemple « l’homme du Massacre de la rue Transnonain ».

La présence de statues et de représentations nombreuses d’un homme ayant commis des actes d’une violence extrême et étant associé et jugé responsable d’actes inhumains, rapprochés aujourd’hui de crime contre l’humanité, pose questions. Ainsi, en réaction à cette controverse concernant ce personnage, plusieurs dispositions ont été prises.

Les actions d’artistes sont un moyen de faire connaître la face souvent cachée du visage de Bugeaud. L’art permet en effet de dénoncer.

Les artistes ADNX et Klemere ont installé une corde autour du cou de la statue du Maréchal Bugeaud à Périgueux. © Radio France – Théo Caubel. 8 juillet 2020

En passant devant la statue, les différentes personnes ne sont plus simplement amenées à contempler la statue glorifiante d’un homme mais à se questionner sur ses actions. C’est un moyen non seulement d’être éclairé sur le sujet mais aussi de porter un regard critique sur des personnages historiques tels que Bugeaud. De plus, chaque individu a l’opportunité de tirer symboliquement sur la corde, cela devient en quelques sortes une action plus commune et non pas seulement un acte commis par une personne ou un groupe de personnes qui seraient venus vandaliser ce bien public. Le but des actions telles que celle de l’ajout d’une corde autour du cou du maréchal est de garder la trace, la mémoire des événements associés au personnage. Détruire la statue reviendrait à simplement oublier, enfouir des événements tragiques. Ainsi, c’est un travail de mémoire que de laisser la statue controversée en y ajoutant un symbole puissant. Ce travail de mémoire est essentiel selon moi, car oublier les erreurs du passé c’est être enclin à reproduire ces mêmes erreurs dans le futur. L’action des artistes me paraît donc être une bonne façon de répondre aux problèmes posés par elle. En effet, cette action s’avère être également pacifique. Ne pas détruire la statue permet d’éviter des conflits avec des personnes qui seraient contre le déboulonnage de la statue.
Une autre disposition prise est celle de l’installation d’un rappel historique auprès de la statue du maréchal. Il s’agit cette fois-ci d’une décision de la municipalité de Périgueux. Bien moins symbolique, cette action permet néanmoins d’informer tout passant de « la totalité » de l’histoire du personnage de Bugeaud.

Plutôt que déboulonner la statue de Bugeaud, « homme condamnable », Périgueux y ajoute un rappel historique.

L’intention de la municipalité par cette action est évoquée clairement par la maire de la ville, Delphine Labails, qui affirme que « en tant qu’élus de la République, notre rôle n’est pas de réécrire l’histoire. Nous savons que notre histoire collective comporte des parts sombres, nous ne pouvons pas les effacer, nous ne voulons pas les effacer. » Plutôt que d’effacer des morceaux de l’histoire, il faut en dévoiler les faces cachées. Instruire par les plaques est également une action qui peut être qualifiée d’efficace.
En effet, “la pédagogie mémorielle”, comme elle est appelée, est un moyen de faire connaître une histoire commune. Si les noms ou représentations de figures telles que celle de Bugeaud peuvent s’avérer récurrents sur le territoire français, leurs histoires ne sont souvent pas ou alors partiellement connues.
À Périgueux, nombreux sont les habitants qui connaissent la statue et sa place éponyme mais un grand nombre d’entre eux, même originaires de la ville, ignorent beaucoup de Bugeaud. Or, l’ambivalence du personnage doit être exposée. Glorifier un personnage en tant que héros uniquement, c’est oublier que derrière chaque figure héroïque se trouve une part d’ombre. Ainsi, la décision de la ville d’exposer à la fois les aspects à priori positifs et négatifs de la vie de Bugeaud montre une avancée de la mémoire et de l’histoire française qui cherche à se dévoiler. Les plaques installées ne sont bénéfiques qu’en dévoilant au maximum la vérité.

Source : https://www.sudouest.fr/societe/plutot-que-deboulonner-la-statue-de-bugeaud-homme-condamnable-perigueux-y-ajoute-un-rappel-historique-16530850.php


En Guadeloupe également, île au passé colonial, certaines figures controversées et représentées entraînent des actions de la part de la population ou des municipalités. On peut citer par exemple le personnage de Victor Schoelcher, homme politique ayant décrété l’abolition de l’esclavage aux Antilles le 27 avril 1848. Un buste de Schoelcher installé sur la place du Cours Nolivos, au centre-ville de Basse-Terre, chef-lieu de la Guadeloupe, a été découpé puis enlevé en juillet 2020. Quelques semaines avant ce déboulonnage, la statue avait déjà été vandalisée, recouverte de peinture rouge. Si le personnage de Victor Schoelcher a été l’objet de la controverse et de la polémique au point de voir ses statues vandalisées, c’est parce que la place qui lui est accordée dans l’histoire française et dans l’espace public efface, selon les militants et une bonne partie de la population, le mérite des esclaves qui ont lutté pour leur propre liberté. En Martinique, suite au déboulonnage de ses statues, les militants ont d’ailleurs écrit «Schoelcher n’est pas notre sauveur ». De plus, malgré les actions militantes de Schoelcher et la rédaction du décret de l’abolition de l’esclavage, il a également été le président de la commission de l’abolition qui entraîne la politique d’indemnisation des maîtres esclavagistes. Il représente alors l’injustice de la réparation de plusieurs siècles d’esclavage. Les militants souhaitent honorer la mémoire des anonymes qui ont lutté pour devenir libres et redonner de la valeur aux actes oubliés. Cependant, les actions réalisées sont souvent sources de conflits et sanctionnées. Le travail mémoriel n’est pas effectué et les relations ne sont pas pacifiées.

    

Sources : « La Fondation pour la mémoire de l’esclavage » ; Guadeloupe la première, « Mais où est passé le buste de Victor Schoelcher ? La statue a été déboulonnée dans la nuit », 24 juillet 2020 ; Le Figaro, « Outre-mer : plusieurs statues déboulonnées », 26 juillet 2020 ; France Bleu, « Périgueux : la mairie ne va pas déboulonner la statue controversée du maréchal Bugeaud », 6 septembre 2023 ; le cours d’histoire.


En terme de toponymie également, les territoires tels que la Guadeloupe ont un grand nombre de villes, de rues ou établissements aux noms de figures controversées. La commune de Gourbeyre par exemple porte le nom d’un ancien gouverneur de la Guadeloupe, Jean-Baptiste-Marie-Augustin Gourbeyre. La toponymie peut poser problème car, par elle, la Guadeloupe reste marquée par son histoire coloniale difficile. Nommer une rue ou ville au nom d’un personnage, c’est lui rendre hommage voire le glorifier. Glorifier des personnages de l’époque coloniale est problématique pour un peuple ayant hérité des blessures coloniales. Pour y remédier, par exemple, certaines rues changent de nom et prennent celui de figures locales.

Ainsi, concernant la statue du Maréchal Bugeaud, les deux actions mises en place sont bénéfiques chacune à leur manière. Le travail de mémoire prime dans les deux cas. Ces deux types d’actions, celles des artistes et celles des municipalités, peuvent même être réalisées ensembles afin d’associer leurs avantages respectifs, symbolique et historique. Les personnages controversés tels que Bugeaud ont existé tout au long de l’histoire, en France et dans le reste du monde. Partout sur le territoire, un travail de mémoire est nécessaire afin de répondre aux conflits qui existent autour de ces personnages et de leurs représentations. Bien que des tensions existent encore, la pédagogie mémorielle peut, selon moi, permettre de pacifier les relations. Les actions comme celles de Périgueux doivent être privilégiées et le déboulonnage évité.

Fabius Emma, CPGE AL 1ère année