Le jeudi 22 avril 2021 à 9H était inaugurée, à l’entrée de la ville de Basse Terre, une grande sculpture de bois sombre terminée par des doigts tendus vers le ciel. C’est « Le Baobab », une sculpture collaborative que l’on doit à Jean-Marc HUNT et des élèves de 7 écoles, collèges et lycées de Basse Terre dont Gerville-Réache.
« Le Baobab » s’élève à presque 4,5 mètres de hauteur et son cône principal se trouve orné de mains d’enfants, ouvertes, fermées, pointant, le pouce en l’air ou l’index et le majeur levé en une petite arme de papier inoffensive. Ses mains multicolores, empreintes de personnalité, suivent l’écorce de l’arbre dans une tornade inversée. Les plus jeunes la commence à la base et les plus âgés la termine dans les branches habiles.
L’inauguration s’est faite en présence du Maire de Basse-Terre, André ATALLAH, son équipe municipale, et les artistes pouvant venir, enfants aussi bien que l’artiste, Jean-Marc Hunt. C’est la première d’une série de réalisations à venir, dans le cadre du programme « Action au cœur de la ville », une démarche associant la Mairie, la Région, le Département, l’État, le Grand Port maritime, les établissements scolaires de la conurbation et l’association culturelle Wi’anArt. Le but de ce programme est d’améliorer le cadre de vie et de redynamiser le centre-ville en mettant le piéton au centre. En effet, ces réalisations dessineront un parcours dans la ville qui dirigera les promeneurs jusqu’au Carmel et le Fort Delgrès. Les réalisation qui paveront le chemin ont pour visée la valorisation du patrimoine artistique, architectural et historique de la ville.
Mais revenons au « Baobab », je suis allée à la rencontre de Jean-Marc Hunt en espérant parvenir à des précisions au sujet de la signification de cette sculpture.
Pour commencer pouvez vous vous présenter ?
– Oui, alors je suis Jean-Marc Hunt, artiste plasticien vivant et travaillant en Guadeloupe. Je développe mon art un peu aux quatre coins du monde. Et puis, je suis fier d’être guadeloupéen.
Trois adjectifs pour vous qualifier ?
– Ambitieux, pertinent, fier.
Vous avez donc réalisé cette sculpture, est ce que vous pouvez m’en dire plus, sur le processus de réalisation par exemple ?
– Oui bien sûr, elle est faite à partir de bois, de lito, classe 4, qui sert d’ armature. Cette armature de bois est entièrement grillagée, ensuite avec du fas de glace ou de la résine, j’imbibe du tissus que je vais utiliser pour former la «peau» de cette sculpture. Enfin les mains posées sur la sculpture sont en papier, elles sont peintes, crayonnées par les élèves de différentes écoles de Basse-Terre de la maternelle à la terminale.
En parlant des élèves, que pensez vous de l’inclusion des jeunes de Basse Terre à une initiative comme celle ci ?
– Disons que, pour moi, ça fait partie d’un processus qui est très important. Comme je disais tout à l’heure, je ne suis pas souvent en Guadeloupe et lorsque je le suis, j’aime retrouver la simplicité que je vais trouver chez les élèves, en milieu scolaire en tout cas. J’avais envie d’une œuvre participative, collaborative, qui recense à la fois une résurgence et une régénérescence. Qui parle et de cette jeunesse et en même temps forme notre identité. Ces rapports que nous avons sont intracommunautaires, puisque nous avons plusieurs communautés qui vivent en Guadeloupe et on le voit ne serait-ce que dans une salle de classe, la diversité qu’il peut y avoir. Faire collaborer tout un ensemble de jeunes pour produire une œuvre d’art, ça participe à cette coexistence créative.
D’où vous est venue l’inspiration pour cette œuvre ?
– Elle est venue au départ parce que je travaille sur les jardins créoles, qui est un moyen de créer son autosuffisance et aussi de valorisation de soi. Et dans ces deux termes là, je suis arrivé à cette genèse qui est l’arbre et j’avais envie que ce soit un arbre ancestral qui est symboliquement fort. Le baobab m’est apparu comme une évidence puisque le Sénégal s’est fondé autour d’un Baobab, il est emprunté à l’arbre à palabres qui a structuré et organisé les révolutions tout au long des siècles. Donc, il est un moyen de se projeter à travers une droiture, une justesse, il est imposant comme arbre, comme un éléphant tout en étant inoffensif. Ce que je veux dire c’est que le plus gros des éléphants mange des feuilles. C’est le plus gros des mammifères et pour moi c’est ce côté de sagesse que représente le baobab qui à été décisif.
Donc j’ai lu que vous avez dédié votre sculpture à Gervaise Zélateur, une militante guadeloupéenne ayant notamment lutté contre l’illettrisme, quelles sont les raisons de cette dédicace ?
– Alors, Gervaise Zélateur, c’était ma voisine. C’est je dirais, ma maman spirituelle qui m’a beaucoup appris, notamment sur les plantes, puisque je parlais des jardins créoles, mais aussi qui m’a appris à parler créole. Puisque moi, je suis arrivé en Guadeloupe en 2003 et je ne parlais pas créole guadeloupéen. Elle à été mon professeur, ma maman, elle m’a éduqué à la créolité. Son message, le dire de sa vie, c’est qu’elle souhaitait que chaque Guadeloupéen plante un arbre donc j’ai fait le mien, et j’invite tout le monde à planter son arbre à travers les paroles de Gervaise Zélateur.
Vous avez représenté la Guadeloupe lors de la Biennale de Venise en 2019, qu’avez-vous appris de cette expérience ? Ces leçons sont-elles applicables aujourd’hui ?
– Disons que je suis un artiste international et que j’ai toujours fait en sorte que la Guadeloupe soit mise à l’honneur lorsque j’expose. Alors que ce soit pour la Biennale de Venise, ou pour Arts Paris ou pour tout autre grand événement fondateur. Ce qui m’importe avant tout, c’est que la Guadeloupe soit correctement présentée et ça dans tout les cas de figure. Je tiens à cette rigueur dans mon rapport à l’art et à mes responsabilités d’artiste et aussi historiques.
Pour finir, pensez-vous que ce projet parviendra à améliorer le cadre de vie des habitants du centre-ville et à le redynamiser ?
– Ça aidera en tout cas à créer de nouveaux espaces qui seront certainement des nouveaux créateurs de liens sociaux, qui vont permettre aux gens de se rencontrer et se raconter puisqu’on s’interprète à travers une œuvre d’art. Elles vont aussi réécrire des lieux, puisque ici on est sur l’esplanade, au lieu de l’appeler l’esplanade du port on va peut être l’appeler l’esplanade du baobab. Ça permet aussi ça, la réinterprétation de lieux. Il y a aussi beaucoup d’artistes sur ce projet et qui sont en train de créer ces nouveaux espaces qui vont donner lieu à un parcours dans la ville. Un parcours qui va inviter la population de Basse-Terre et ailleurs à revoir et à reconsidérer les rues qu’ils connaissent, à reconsidérer leur quotidien, leur espace, leur vision. Quant aux changements que ça va entraîner, moi je ne prétends à rien, je ne dis pas que je vais changer le monde, je dis simplement qu’aujourd’hui, nous avons à nous interpréter et cette interprétation commence dans la vie de tous les jours, dans notre quotidien. C’est là ou nous devons interagir pour développer de nouveaux rapports.
Je clos cet article par les mots des jeunes élèves de l’école Mélanie Milly qui nous disent ce qu’ils ont appris lors de l’intervention de Jean Marc Hunt avec l’aide de leur maîtresse, Mme ROMUALD.
- « C’était bien, j’ai surtout aimé faire les mains parce que je savais qu’on allait les exposer. »
- « On a fait quelque chose avec ce qu’on pouvait et on y a mis notre amour pour l’exposer après. On a appris beaucoup de choses sur la culture et sur le baobab. »
- « Nous avons eu de la chance parce que plusieurs classes ne l’ont jamais fait et nous, on a eu la chance de le faire. »
- « J’ai bien aimé Jean-Marc Hunt.»
- A la question de la maîtresse : «Vous avez aimé lorsqu’il est venu à l’école ?», ils répondent en chœur : «Oui!»
- «Surtout, il nous a fait de beaux dessins.»
- «On a appris à dessiner des baskets, des notes de musique.»
- «Ça a développé notre créativité.»
- «Voilà, vous avez eu l’opportunité de le faire alors que d’autres classes ne l’ont pas eue. », conclut la maîtresse, Mme ROMUALD
Article et interview réalisés par Aaliyah ANDRÉ