Les CPGE AL au Colloque international “Maryse Condé chez elle et dans le Monde”

Ce vendredi 04 octobre 2024, nous, classes préparatoires aux grandes écoles du lycée Gerville Reache, CPGE A/L 1 et 2, avons été accueillies, accompagnées de nos professeurs, au campus de Fouillole de l’Université des Antilles afin d’assister au colloque international en hommage à Maryse Condé. Un hommage qui s’ajoute à celui déjà réalisé par le président de région Ary Chalus ayant renommé l’aéroport local Pôle Caraibe en Aéroport Guadeloupe Maryse Condé, comme y a fait écho Madame Carvigan-Cassin à la fin de son intervention qu’elle clôture par ces mêmes mots « Guadeloupe Maryse Condé ».

« Maryse Condé, chez elle et dans le monde », tel était l’intitulé de ce colloque révélant déjà ce qui attendait les participants. En effet, auteure française, Maryse Condé se considérait avant tout comme guadeloupéenne. Malgré des rapports complexes avec son île natale, évoqués par plusieurs conférenciers du colloque, la romancière la place au centre de son œuvre comme l’a rappelé Adlai Murdoch, professeur de l’université de l’Etat de Pennsylvanie. En quête d’identité, Maryse a beaucoup voyagé notamment entre la France, les Antilles, l’Afrique et les États-Unis. Ainsi, son influence et celle de son œuvre ne se limitent pas à l’île qui l’a vue naître mais s’étend effectivement au reste du monde. Cette influence importante de l’auteure explique la présence d’intervenants marqués par son travail, l’ayant étudié et ayant connu l’auteure elle-même, qui, venant de plusieurs parties du monde et aujourd’hui travaillant dans des universités états-uniennes, françaises et antillaise, ont tenu à être présents afin de partager une certaine analyse de Maryse et de ses œuvres.

C’est donc en mémoire de la Guadeloupéenne qu’était Maryse Condé qu’une prestation en musique et danse traditionnelles a suivi un discours d’ouverture. Le groupe et mouvement culturel Akiyo a animé l’amphithéâtre par du gwo ka y mêlant également des citations d’œuvres de Maryse et adaptant quelque peu les paroles des chants bien connus par le public local.


Après cette entrée en matière très plaisante, 3 sessions se sont tenues. Maryse Condé « chez elle », « l’auteure et son esthétique » et « dans le monde ». Nous avons pu ainsi assister aux interventions, en présentiel ou en visioconférence, de 9 des 11 conférenciers ainsi qu’aux témoignages de son mari, Richard Philcox, et de sa secrétaire, Pascale Theriez, avant de devoir quitter l’Université des Antilles pour retourner dans notre établissement.

Au cours des discours divers et enrichissants nous avons pu redécouvrir l’écriture de Maryse Condé que nos lectures personnelles n’avaient pas forcément suffi à comprendre entièrement. Nombre de ses œuvres ont ainsi été évoquées. L’évangile du nouveau monde, Les derniers rois mages, La Vie scélérate ou encore La traversée de la mangrove pour n’en citer que quelques unes. Dans ses œuvres, où figurent des éléments autobiographiques, la quête identitaire est très présente. La recherche du père, son absence, des relations conflictuelles avec une mère inaccessible, la honte provoquée par la malédiction de l’illégitimité, des protagonistes désordonnées, une identité contradictoire et une appartenance unique illusoire sont tant de thèmes récurrents évoqués par les intervenants. Maryse dévoile également sa propre vie, oubliant parfois la fiction, La vie sans fard, Le cœur à rire et à pleurer, mais dans ces œuvres un écho à celles qu’elle a écrit qui ne parlent pas d’elles mais d’autres femmes. Autres femmes noires, qui bien qu’ayant des histoires différentes, se rejoignent en de nombreux points, qui lui ressemblent en certains.

Son écriture, ses publications, souvent polémiques et faisant scandale notamment en Guadeloupe, marquent l’échec d’une rencontre entre les Antilles et l’Afrique. En 2013 elle dit « En Guadeloupe les Guadeloupéens ne me considèrent pas comme une vraie Guadeloupéenne ».  Malgré ces rapports compliqués, Maryse a obtenu plusieurs prix dont les plus cités au cours du colloque sont le Grand prix littéraire de la Femme en1987, Le prix Anaïs-Segalas de l’Académie française en 1988, le prix Carbet de la caraïbe et du Tout-Monde en 1997. Elle voulait un Prix Nobel, pour elle-même, pour la fierté des femmes noires et pour sa terre natale, mise en avant. Enfin en 2018, elle obtient le Nouveau prix académique de littérature, prix Nobel alternatif.

Avant ses romans, Maryse a été dramaturge. Si elle a écrit du théâtre, c’est avant tout pour la finalité de ce genre comme l’explique Axel Arthéron. C’est pour inciter à réfléchir, c’est une médiation vers le peuple. Elle utilise la magie du verbe. Elle dit également « Deux publics ? mais les Guadeloupéens, c’est moi. Quand j’écris pour moi, j’écris pour eux. »

Son œuvre a été traduite dans de nombreuses langues. Son mari et traducteur, Richard Philcox, témoigne de la difficulté de la traduction. Il dit que la traduction par un homme, blanc, anglais de Maryse en Maryse est un défi. La traduction est une forme de trahison. En anglais, par exemple, les mots de Maryse perdent de leur féminité. Le choix des mots est complexe. Le traducteur est un double agent joignant deux textes, deux langues et deux cultures, voire quatre (française, anglaise, américaine et créole). Maryse voyait la traduction comme une dépossession de ses romans.

Les dernières années de sa vie, ayant perdu la vue. Maryse dicte ses romans, elle ne pouvait que les entendre mais plus les voir. Selon son mari il y avait un manque. Sa secrétaire, Pascal Theriez, à qui elle a dicté deux de ses romans raconte sa façon de les dicter, avec une élocution lente et parfaitement claire. Sa mémoire, sa sensualité, ses descriptions, son humour et son imagination l’impressionnaient. « Quand Maryse terminera son histoire, ça sera la fin du livre » disait Richard.

Si Maryse n’a pas pu terminer son dernier ouvrage, Le mentir vrai, probable histoire des miens, tous ceux qu’elle a laissés en quittant ce monde le 2 avril dernier, ont marqué et marquent encore la culture et l’histoire. « Rêvons, l’histoire du monde n’est pas finie », c’est ainsi qu’elle nous invite encore à écrire, imaginer et avancer.

Article rédigé par Emma FABIUS, étudiante en CPGE AL 1ère année