Le lundi 21 octobre 2024, la classe de CPGE AL2 a tenu un débat durant une heure en cours d’histoire autour d’un sujet très actuel: “la question migratoire en Europe, aujourd’hui”.
Ce thème fait référence à notre programme de concours à l’ENS intitulé “Exilés, réfugiés, étrangers en France (1848-1986)”.
La question migratoire en Europe est aujourd’hui l’un des sujets les plus débattus à cause des enjeux importants liés à la migration. Lors de ce débat en classe, nous avons exploré les différentes perspectives entourant ce sujet complexe, en discutant par exemple des causes, des problématiques, des conséquences de la migration, ainsi que des politiques migratoires adoptées par différents pays européens comme l’Italie ou encore l’Allemagne. Ce débat très riche, nous a permis de confronter des points de vue et des perspectives diverses à travers cette question importante.
Ce débat, dont la présidente était Audrey, débute par une définition de l’immigration qui se définit comme étant “le processus par lequel les personnes quittent leur pays d’origine pour s’installer de manière temporaire ou permanente dans un autre pays ou une autre région”. À la suite de cette définition, pour encadrer la question et débuter le débat, Audrey propose la problématique suivante: faut-il réguler les flux migratoires ? ou encore s’adapter à chaque immigré ?
Pour commencer ce débat Kalita énonce le fait que l’immigration empêche la baisse démographique la désertification de certains territoires, un fait important qui touche de nombreux territoires. Laury-Ann’ propose ensuite une solution pour réguler l’arrivée des migrants, comme une “politique de quotas” pour permettre aux pays de faire face à l’arrivée de ces migrants et éviter de nombreux problèmes notamment économiques car certains pays manquent de moyens pour accueillir ces migrants. Il faudrait donc selon elle, établir des règles au niveau de l’Europe. L’immigration coûte cher à l’Etat d’où l’importance de la réguler, pendant que les chiffres de l’immigration illégale augmentent.
Audrey propose ensuite de ne pas uniquement aborder le sujet du pays d’arrivée mais aussi de considérer le pays d’où ils partent. Au niveau de la sécurité, l’Union Européenne tente de gérer ces flux migratoires avec des solutions comme Frontex ou encore avec des accords entre des pays tiers comme l’accord récent entre l’Albanie et l’Italie. Cependant la question du droit humain se pose car, nous le savons comme le dit Tina, l’agence Frontex est connue aussi pour ne pas respecter les droits humains. Pour Tina, renvoyer des migrants dans un pays en guerre n’est pas envisageable car cela “s’oppose aux droits humains internationaux”. Maurie-Anne évoque le côté bénéfique de la migration car les pays que quittent les migrants, n’ont pas forcément de structures fiables dans les domaines de l’école ou de la santé, par exemple. Pour appuyer ce propos Kristaïna prend l’exemple d’Haïti qui voit sa population partir à cause de la pauvreté et du chaos politique. Cependant, elle se réfère à un reportage diffusé sur la chaîne de télévision Guadeloupe 1ère qui traite de la concurrence déloyale de certaines vendeuses haïtiennes qui installent des stands dans les rues de Basse-Terre et vendent à des prix très bas des produits alimentaires dont la traçabilité n’est pas toujours établie.
La présidente du débat aborde un autre point celui du multiculturalisme dû à la migration et pose la question suivante, “est ce que le multiculturalisme renforce le racisme, la xénophobie ?”
Pour Laury-Ann’, il y a un problème avec le multiculturalisme, souvent la migration est associée à l’insécurité, à la criminalité. Elle prend l’exemple de l’Allemagne où “le surcroît” d’immigration pose des problèmes selon des partis d’extrême droite. Ce ne sont pas forcément les migrants les responsables mais ils sont visés, ils sont stigmatisés sur le marché du travail. Tanély appuie ce propos, les migrants sont vus par les populations locales comme des adversaires qui prennent leur travail, car ils sont prêts à des salaires moins importants.
Norah évoque le fait que souvent on prend un cas fait par un migrant pour une vérité générale sur ce que sont les autres migrants, en s’appuyant sur l’exemple des récentes émeutes en Angleterre en juillet-août derniers. A la source de ces émeutes, on trouve de fausses informations diffusées par des réseaux d’extrême droite selon lesquels le meurtrier présumé de trois fillettes à Southport, le 29 juillet, était musulman et venait d’arriver illégalement dans le pays alors qu’il est britannique [Le Monde, 30/08/2024].
Lilian poursuit sur le rôle des médias dans la propagation de ces idées reçues, un propos que Shaïna reprend et argumente avec l’exemple de la politique de “diabolisation de l’immigration” mené par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui trouve qu’il y a trop d’étrangers, et et qu’ils sont responsables de l’insécurité. Certains politiques, comme Bardella, cherchent à renforcer leurs idées avec des faits divers. Selon Hélory, l’immigration a apporté de la diversité notamment au niveau des cultures, dans la cuisine par exemple, il cite le couscous, un plat plébiscité par les Français depuis des années. Angie appuie le propos de Shaïna avec le fait que de nombreux États d’Europe sont aujourd’hui dirigés par des partis d’extrême droite (Autriche, Hongrie, Italie…). Elle évoque le récent déplacement du Premier ministre Michel Barnier en Italie pour y aborder la question migratoire avec la Présidente du Conseil des ministres Giorgia Meloni, et le projet d’une nouvelle loi contre l’immigration en France, alors que les décrets d’application de la précédente n’ont pas encore été publiés.
« Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises politiques, il faudrait faciliter leur insertion », il faut pour Laury-Ann’ retravailler les mentalités et mettre en place une façon pour que les migrants se sentent à leur place, qu’ils se sentent accueillis même si cela semble compliqué avec le racisme ambiant et les stéréotypes sur les migrants.
Génolia parle de l’Espace Schengen, espace de libre circulation des biens et des personnes de l’Union Européenne (plus 4 États associés, soit 29 pays d’Europe), pour elle il faut réguler les fluxs migratoire et ne pas ouvrir les frontières « de cette façon ».
Maurie-Anne nous dit qu’il y a une certaine hypocrisie dans la politique de la France qui aime se présenter comme un pays d’accueil, mais où les migrants, une fois sur place, n’ont pas d’aides, de nourriture et vivent parfois dans des tentes sans prise en charge.
Pour Tina c’est aussi une question culturelle : « faut-il abandonner le nationalisme pour l’unité ? »
Solor revient sur l’exemple de l’Italie avec le gouvernement d’extrême droite de Meloni : « ils veulent moins d’immigration pourtant paradoxalement l’Italie n’a jamais attribué autant de titre de séjour que ces dernières années ». En effet, certains pays comme l’Italie ont un solde naturel négatif, il y a plus de décès que de naissance, la population est vieillissante, accueillir des migrants peut être une solution à ce problème démographique et, de fait, économique. Cependant le gouvernement Meloni régule et contrôle tout de même cette migration, il y a donc moins d’immigration clandestine.
Kalita, aborde les inégalités causées par le réglement de Dublin qui stipule que lorsqu’un migrant demande l’asile dans un pays de l’UE, c’est au premier pays européen qu’il a traversé de traiter cette demande. Aussi ce règlement fait reposer l’essentiel de la pression migratoire sur des pays comme Malte, l’Italie, la Grèce ou l’Espagne.
Lilian évoque par la suite la différence de traitement entre les migrants ukrainiens après le début de la guerre en 2020 et les migrants africains, afghans ou syriens, une thématique qui donne un autre tournant au débat. Les Ukrainiens sont logés par des habitants, est-il remarqué. Or il n’y a pas du tout le même accueil pour les autres migrants.
Pour Laury-Ann’ c’est malsain d’accueillir certains et pas d’autres. Maurie-Anne poursuit en disant que c’est un problème de volonté, les fonds ne sont pas mis au bon endroit. Pour Angie, il y a la question d’assimilation, cela pose aussi la question de la religion. Il y a aussi une certaine injustice pour Shaïna, les Ukrainiens sont bien accueillis parce qu’ils ont cette proximité ethniques avec les Français et pas les Haïtiens par exemple. Liam contre-argumente en abordant ce mythe que l’immigration européenne s’intègre mieux. Il revient sur les épisodes xénophobes qui ont frappé les communautés de travailleurs immigrés européens aux XIXe et XXe siècles, retenant pour exemple les Vêpres Marseillaises en 1881, visant les Italiens à Marseille et qui ont fait trois morts et des dizaines de blessés.
Aujourd’hui ce sont par exemple les immigrés du Soudan qui sont visés par des violences xénophobes et racistes. Pour Solor il s’agit de cacher les véritables intérêts, la France a plus d’intérêt à aidé les Ukrainiens, l’aide porte avant tout sur les intérêts du pays, notamment au niveau économique avec l’idée du commerce. Tanély valide ce propos et y apporte des précisions avec exemple de l’Allemagne qui aide et utilise les immigrés à son avantage, en les formant à un travail, ou encore en leur permettant d’apprendre la langue.
La présidente du débat rappelle la problématique : “faut-il réguler les flux migratoire en France ?” notamment à cause des coûts de l’accueil, en sachant “qu’il y a une énorme migration de masse”. Shaïna, répond en affirmant que “retirer le droit du sol serait se tirer une balle dans le pied pour la France”, en effet, il y a des étudiants qualifiés immigrés qui sont très compétents, leur retirer le droit du sol serait une erreur. Le constat est fait, à Mayotte, comme le dit Lilian, les Comoriens voyagent pour jouir du droit français ce qui créent des bidonvilles et impactent directement la population, ce serait un mal pour un bien. Pour Maurie-Anne cela va juste déplacer le vrai problème, il désigne des coupables mais sans solution. De plus pour elle, on ne peut pas traiter de la même façon les migrants, chaque cas est différent. Il faut faire du cas par cas et Solor confirme ce propos. Il faut donc gérer selon l’espace, selon Lilian, il y a des pays plus grands que d’autres avec plus de moyens que d’autres.
Liam conteste l’expression de “migration de masse” utilisée durant le débat, qui dirige le débat contre un type de migrants. Depuis 2015, plus d’un million de Syriens ont émigré pour fuir un pays en guerre et la répression gouvernementale et on parle de “submersion migratoire”, alors que l’Union Européenne a accueilli 4,5 milllions de migrants ukrainiens sans aucune anxiété depuis 2020.
Maurie-Anne souligne qu’un trop grand afflût pose des problèmes que l’Etat ne peut pas gérer. Les politiques de disuasion ne fonctionne pas, selon Tina, il y a des morts, ils sont nombreux à se noyer en Méditerranée ou dans la Manche, il faudrait une plus grande sensibilisation aux risques pour les migrants. Hélory aborde le fait qu’il y a une idéalisation par les migrants des pays européens, les migrants s’influencent entre eux, pour eux ils vont trouver un travail très rapidement et la vie sera beaucoup plus facile alors que ce n’est pas la réalité.
Le débat, après une heure d’échanges riches en argumentation et en exemples, se clôture sur ce propos.
Ce débat a montré l’importance de la question migratoire en Europe, qui divise les populations autant que les politiques, dans toute sa complexité. Nous avons tenté d’en souligner les enjeux démographiques et économiques, les impératifs en matière de droits humains mais aussi les peurs -très souvent instrumentalisées- qu’elle suscite. Nous n’avons pas eu le temps lors de ce débat de parler de l’impact du dérèglement climatique sur les migrations. Enfin la « question migratoire » se pose également dans la Caraïbe, il faudrait pouvoir lui consacrer un autre débat.
Verbatim réalisé par Alicia MICHELY(secrétaire de séance)